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L'expérience de Buffon

THÈMES ABORDÉS : Trigonométrie - Probabilité - Loi des grands nombres - Calcul intégral

$\pi$ est probablement le nombre le plus célèbre en mathématiques. Bien qu'il soit souvent utilisé, sa valeur reste une approximation. Nous allons voir comment, grâce aux probabilités et à la géométrie, on peut estimer $\pi$ à travers un jeu de hasard.

L'expérience de Buffon est une méthode empirique pour estimer la valeur de $\pi$ en utilisant des probabilités et des simulations. Elle a été proposée par le naturaliste français Georges-Louis Leclerc, Comte de Buffon, au 18ème siècle. Voici comment elle fonctionne :

1. Description de l'expérience : Imaginez un plancher avec des lattes de bois parallèles, espacées d'une distance \( \ell \). Vous lâchez une aiguille de même longueur \( \ell \) de manière aléatoire sur le plancher.

2. Condition de croisement : L'aiguille peut soit croiser une ligne entre deux lattes, soit tomber entièrement dans l'espace entre deux lattes. La probabilité que l'aiguille croise une ligne dépend de sa position et de son angle par rapport aux lattes.

3. Calcul de la probabilité : Buffon a montré que la probabilité \( P \) que l'aiguille croise une ligne est donnée par : \[ P = \frac{2}{\pi} \]

4. Estimation de $\pi$ : En répétant l'expérience un grand nombre de fois et en comptant le nombre de fois où l'aiguille croise une ligne, on peut estimer \( P \). En réarrangeant la formule ci-dessus, on obtient une estimation de $\pi$ : \[ \pi \approx \frac{2}{P} \]

Loi des grands nombres et fréquence d'un événement

La loi des grands nombres est le fondement mathématique qui explique pourquoi la fréquence observée d'un événement converge vers sa probabilité théorique à mesure que le nombre de répétitions augmente.

1. Loi des grands nombres : Cette loi stipule que si vous répétez une expérience aléatoire un grand nombre de fois, la moyenne des résultats obtenus tendra vers la valeur attendue (ou espérance mathématique) de cette expérience. En d'autres termes, plus vous faites d'essais, plus la fréquence observée d'un événement se rapprochera de sa probabilité théorique.

2. Illustration avec un exemple : Prenons l'exemple d'un lancer de pièce. La probabilité théorique d'obtenir “pile” est de 0,5. Si vous lancez la pièce 10 fois, vous pourriez obtenir “pile” 6 fois (fréquence de 0,6). Mais si vous lancez la pièce 1000 fois, la fréquence d'obtenir “pile” sera très proche de 0,5.

3. Convergence : Cette convergence est due au fait que les fluctuations aléatoires qui peuvent survenir dans un petit nombre d'essais sont “lissées” lorsque le nombre d'essais augmente. Les écarts par rapport à la moyenne deviennent de moins en moins significatifs.

4. Application pratique : C'est ce principe qui permet aux sondages, aux simulations et aux expériences aléatoires de fournir des estimations fiables lorsqu'ils sont réalisés sur un grand échantillon.

Développement mathématique

Dans l'expérience de Buffon, nous cherchons à calculer la probabilité qu'une aiguille de longueur $\ell$ tombe de manière à chevaucher une bordure entre deux lames d’un parquet, lesquelles sont parallèles et espacées de $\ell$ centimètres. L’aiguille est modélisée par un segment $[AB]$ lancé aléatoirement sur ce parquet.

L’angle $\theta$ (exprimé en radians) entre la direction de l’aiguille et les lames du parquet est pris en compte. De plus, on note $x$ la distance entre le bord gauche d'une lame et le milieu de l’aiguille. On suppose que : \[ 0 < x < \ell \quad \text{et} \quad 0 < \theta < \pi \]

Code source

Code source

\documentclass[border=10pt]{standalone}
\usepackage{tkz-euclide}
\usepackage{xfp} % pour calculs avec \fpeval
% Réglages globaux
\tkzSetUpColors[background=white,text=black]
\tkzSetUpCompass[color=orange,line width=.2pt,delta=10]
\tkzSetUpArc[color=gray,line width=.2pt]
\tkzSetUpPoint[size=2,color=teal,fill=teal]
\tkzSetUpLine[line width=.2pt,color=teal]
\tkzSetUpStyle[color=orange,line width=.2pt]{new}
\tikzset{every picture/.style={line width=.2pt}}
\tikzset{label angle style/.append style={color=teal,font=\footnotesize}}
\tikzset{label style/.append style={below,color=teal,font=\scriptsize}}
%
\begin{document}
%
\begin{tikzpicture}[scale=1]
% Paramètre réel : distance entre les droites verticales
\def\l{2}
\def\agl{28}
% --- Définition des points ---
% Points des deux droites verticales principales
\tkzDefPoint(0,0){A}
\tkzDefPoint(0,5){B}
\tkzDefPoint(\l,0){C}
\tkzDefPoint(\l,5){D}
% Points de la droite médiane pointillée
\def\pos{0.67}
\tkzDefPoint(\fpeval{\pos*\l},0){E}
\tkzDefPoint(\fpeval{\pos*\l},5){F}
% Milieu entre E et F
\tkzDefMidPoint(E,F) \tkzGetPoint{M}
% Définition du cercle de centre M et rayon rAC = l/2
\def\rAC{\fpeval{\l/2}}
\tkzDefCircle[R](M,\rAC) \tkzGetPoint{Mrou}
% Premier point du diamètre sur le cercle
\tkzDefPointOnCircle[through = center M angle 28 point Mrou]
\tkzGetPoint{P}
% Deuxième point par symétrie de P par rapport à M
\tkzDefPointsBy[symmetry=center M](P){Q}
% --- Tracé des éléments ---
% Tracé des droites verticales
\tkzDrawLine[thick, add=0 and 0](A,B)
\tkzDrawLine[thick, add=0 and 0](C,D)
% Tracé de la droite médiane pointillée
\tkzDrawLine[dashed, add=0 and 0](E,F)
% Tracé des points M, P et Q
\tkzDrawPoint(M)
\tkzDrawPoint(P)
\tkzDrawPoint(Q)
% Marquage de l'angle entre (FM) et (MP)
\tkzFillAngle[size=.3, fill=teal!40, opacity=.5](P,M,F)
\tkzLabelAngle[pos=.5](P,M,F){$\theta$}
% Tracé du diamètre
\tkzDrawSegment[dim={$\ell$,16pt,above=3pt,sloped}](Q,P)
\tkzDrawSegment[very thick](Q,P)
% Marquages des segments [P,M] et [Q,M]
\tkzMarkSegment[mark=||](P,M)
\tkzMarkSegment[mark=||](Q,M)
% Annotation de la distance entre B et D
\tkzLabelSegment[above=4pt](B,D){$\ell$}
\tkzDrawSegment[latex-latex,very thin]([yshift=1mm]B,[yshift=1mm]D)
\tkzLabelSegment[above=0pt]([yshift=1cm]A,[yshift=1cm]E){$x$}
\tkzDrawSegment[latex-latex,very thin]([yshift=1cm]A,[yshift=1cm]E)
\end{tikzpicture}
\end{document}


Pour que l’aiguille coupe une bordure de lame, il faut qu’une de ses extrémités dépasse cette bordure. Cela signifie que la projection de la moitié de la longueur de l’aiguille sur l’axe perpendiculaire aux lames doit être plus grande que la distance entre son milieu et cette bordure.

La projection de la moitié de l’aiguille sur cet axe est donnée par : \[ \frac{\ell}{2} \sin(\theta) \]

Il y a deux cas possibles :

  1. Si l’aiguille est plus proche de la bordure gauche, elle coupe cette bordure si : \[x \leq \frac{\ell}{2} \sin(\theta)\]
  2. Si elle est plus proche de la bordure droite, elle coupe cette bordure si : \[\ell - x \leq \frac{\ell}{2} \sin(\theta)\]

On peut regrouper ces deux cas en une seule condition équivalente : \[ x \leq \frac{\ell}{2} \sin(\theta) \quad \text{ou} \quad x \geq \ell - \frac{\ell}{2} \sin(\theta) \]

Cette condition nous permet de déterminer les positions du milieu de l’aiguille (en fonction de l’angle $\theta$) pour lesquelles l’aiguille coupe une bordure.

Calcul de la probabilité

On suppose que :

Le couple $(x,\theta)$ “vit” dans le rectangle : \[ (x, \theta) \in [0,\ell] \times [0, \pi] \]

La probabilité cherchée est : \[ \mathrm{P}(\text{l’aiguille coupe une bordure}) = \frac{\text{aire favorable}}{\text{aire totale}} \]

Aire totale : c’est l’aire du rectangle défini par le produit cartésien $[0,\ell] \times [0, \pi]$ : \[ A_{\text{total}} = \int_0^\pi \int_0^\ell \mathrm{d}x \, \mathrm{d}\theta = \ell \pi \]

Aire favorable : c’est l’aire de l’ensemble des couples $(x, \theta)$ qui vérifient les conditions : \[ x \leq \frac{\ell}{2} \sin(\theta) \quad \text{ou} \quad x \geq \ell - \frac{\ell}{2} \sin(\theta) \] D’où : \[ \begin{align*} A_{\text{favorable}} &= \int_0^\pi \left[ \int_0^{\frac{\ell}{2} \sin(\theta)} \mathrm{d}x + \int_{\ell - \frac{\ell}{2} \sin(\theta)}^{\ell} \mathrm{d}x \right] \mathrm{d}\theta \\ &= 2 \int_0^\pi \frac{\ell}{2} \sin(\theta) \, \mathrm{d}\theta \\ &= \ell \int_0^\pi \sin(\theta) \, \mathrm{d}\theta = \ell \times 2 = 2\ell \end{align*} \]

Conclusion : \[ \mathrm{P} = \frac{A_{\text{favorable}}}{A_{\text{total}}} = \frac{2\ell}{\ell \pi} = \boxed{\frac{2}{\pi}} \]