Dans la beauté des mathématiques, c'est souvent le voyage qui compte, et non la destination. La convergence n'est pas tant une fin en soi, mais une promesse que, même dans l'infini des nombres, il y a un ordre, une harmonie qui se dessine.
La notion de limite est intuitivement assez simple : on se rapproche “autant qu'on le souhaite” d'une certaine valeur quand \( n \) devient “suffisamment grand”.
Dire qu'une suite \( (u_{n}) \) converge vers un réel \( \ell \) (ou qu'elle a pour limite \( \ell \)) signifie que tout intervalle ouvert centré en \( \ell \) : \( \left] \ell - \varepsilon, \ell + \varepsilon \right[ \), (quel que soit \( \varepsilon > 0 \)), contient tous les termes de la suite à partir d'un certain rang.
Autrement dit, il existe un \( n_{0} \in \mathbb{N} \) tel que pour tout entier \( n \geq n_0 \) : \( u_{n} \in \left] \ell - \varepsilon, \ell + \varepsilon \right[ \).
Dans ce cas, on dit que la suite \( (u_n) \) est convergente et on note \( \displaystyle{ \lim_{n \to +\infty} u_n = \ell } \)
Soient \( \ell \in \mathbb{R} \), \( u_n \in \mathbb{R} \) avec \( n \in \mathbb{N} \) et \( \varepsilon > 0 \).
\[\bbox[lightyellow,5px] { \begin{aligned} u_n \in \left] \ell - \varepsilon, \ell + \varepsilon \right[ &\iff \ell - \varepsilon < u_n < \ell + \varepsilon\\ &\iff -\varepsilon < u_n - \ell < \varepsilon\\ &\iff |u_n - \ell| < \varepsilon \end{aligned} }\] Conclusion : L'inégalité $|u_n-\ell| < \varepsilon$ signifie que $u_n$ est situé à une distance inférieure à $\varepsilon$ de $\ell$ sur la droite réelle.
Une suite converge vers un réel $\ell$ si et seulement si \[\bbox[lightblue,5px] {\forall \varepsilon \in \mathbb R_0^+, {\exists n_0 \in \mathbb{N}} \mbox{ tel que } \forall n \geq n_0, \mbox{ on a } {|u_n - \ell| < \varepsilon}}\]
Traduction : Peu importe comment nous choisissons un petit intervalle autour de la limite réelle \(\ell\) de la suite (c’est-à-dire, quelle que soit la petite valeur positive que nous attribuons à \(\varepsilon\)), si nous attendons assez longtemps (c’est-à-dire, si nous regardons les termes de la suite à partir d'un certain rang \(n_{0}\) et au-delà), tous ces termes de la suite seront à l'intérieur de cet intervalle autour de \(\ell\).
Vocabulaire : Toute suite convergeant vers une limite $\ell$ est appelée suite convergente. Sinon, la suite est dite divergente (même si elle peut avoir une limite infinie).
Méthode : Pour prouver qu'une suite donnée converge vers un certain réel à l'aide de cette définition (important pour bien comprendre les mécanismes cachés derrière le formalisme), on procède ainsi :
Attention ! Converger, ce n'est pas avoir une limite mais avoir une limite FINIE. Une suite qui n'est pas convergente est dite divergente. Diverger, ce n'est pas seulement avoir \( \pm \infty \) pour limite, mais éventuellement NE PAS AVOIR DE LIMITE.
\[\bbox[lightblue,5px] { \begin{array}{|c|c|c|} \hline \text{Limite finie} & \text{Limite } \pm \infty & \text{Pas de limite} \\ \downarrow & \downarrow & \downarrow \\ \text{Convergence} & \text{Divergence} & \text{Divergence} \\ \hline \end{array} }\]
Montrer que la suite \( (u_n)_{n \in \mathbb{N}} \) définie par \( u_n = \frac{2n}{n+1} \) converge vers 2.
On va tester cette définition avec la suite \( (u_n) \) et pour un epsilon fixé à une valeur réelle positive (très) petite, puis pour un epsilon quelconque.
Pour un \( \varepsilon \) fixé (et généralement très petit) :
Soit \( \varepsilon = 0,001 \), il faut trouver un rang \( n_0 \) à partir duquel tous les termes \( u_n \) de rang \( n \geq n_0 \) vérifient \( \left| \frac{2n}{n+1} - 2 \right| < \frac{1}{1000} \)
\[ \begin{align*} \left| \dfrac{2n}{n+1} - 2 \right| < \dfrac{1}{1000} &\iff \left| \dfrac{2n}{n+1} - 2 \cdot \dfrac{n+1}{n+1} \right| < \dfrac{1}{1000} \\ &\iff \left| \dfrac{-2}{n+1} \right| < \dfrac{1}{1000} \\ &\iff \dfrac{2}{n+1} < \dfrac{1}{1000} \text{ car } n \in \mathbb{N} \\ &\iff n+1 > 2000 \end{align*} \]
Donc, pour \( \forall n > 1999 \), on a \( |u_n - 2| < 0,001 \) ou encore pour \( \forall n \geq 2000 \), on a \( u_n \in \left] 1,999 \ ; \ 2,001 \right[ \)
\( \implies n_0 = 2000 \) est le rang à partir duquel tous les termes de la suite sont situés à une distance inférieure à \( \varepsilon = 0,001 \) du réel \( \ell = 2 \).
il n'est évidemment pas possible de rendre compte des informations obtenues sur cette image !
Si nous avions sélectionné \( \varepsilon = 0,5 \), nous aurions déterminé \( n > 3 \), et ainsi, le rang \( n_0 = 4 \) serait le rang initial à partir duquel tous les termes satisferaient la définition.
En général : Soit \(\varepsilon>0\) aussi petit que l'on veut
\begin{align*} \forall \varepsilon > 0 ~:~ \quad \left|\dfrac{2n}{n+1} - 2\right| < \varepsilon &\iff \left|\dfrac{-2}{n+1} \right| < \varepsilon \\ &\iff \dfrac{2}{n+1} < \varepsilon \quad \mbox{ car } \quad n\in\mathbb{N} \\ &\iff n+1>\dfrac{2}{\varepsilon} \\ &\iff n > \dfrac{2}{\varepsilon} -1 \end{align*}
Donc \(\forall n > \left\lfloor \dfrac{2}{\varepsilon} -1 \right\rfloor +1\), on a \({|u_n - 2| < \varepsilon}\)
Remarque : \(\left\lfloor \cdot \right\rfloor\) symbole partie entière est le nombre entier qui est immédiatement inférieur ou égal au nombre réel en question. Ex. : \(\lfloor -5,12 \rfloor = -6\)
On voit ici que le rang \( n_0 = \left\lfloor \dfrac{2}{\varepsilon} -1 \right\rfloor +1\) dépend directement de \( \varepsilon \), ce qui nous permet de valider la convergence de la suite.
On retrouve donc les rangs obtenus précédement en remplaçant \( \varepsilon \) par \( 0,001 \) et par \( 0,5 \) dans \(n_0 = {\left\lfloor \dfrac{2}{\varepsilon} -1 \right\rfloor +1}\)
\(n_0 = \left\lfloor \dfrac{2}{0,001} -1 \right\rfloor +1 = \left\lfloor 2000 -1 \right\rfloor +1 = \left\lfloor 1999 \right\rfloor +1 = 1999 +1 = 2000\)
et
\(n_0 = \left\lfloor \dfrac{2}{0,5} -1 \right\rfloor +1 = \left\lfloor 4 -1 \right\rfloor +1 = 3 +1 = 4\)
Cette proposition établit la convergence, mais elle ne nous fournit pas d'information précise sur la valeur de la limite.